L'évêché
Maudit
Il y a une rumeur qui circule dans la
région, m'avertissaient certains paysans robustes mais en proie à
une peur non dissimulée. Ils paraissaient redouter un hameau tout
particulièrement.
Je voyais dans leurs yeux des
cauchemars qui leurs semblaient réels. Cependant ils refusaient de
s'épancher plus sur ce sujet et devenaient agressifs afin de
retrouver leur tranquillité et me faire déguerpir.
La plupart taisait le nom du village maudit, laissant échapper de vagues éléments quant à son lieu, non loin d'un bois dense et d'une vieille église désacralisée.
La plupart taisait le nom du village maudit, laissant échapper de vagues éléments quant à son lieu, non loin d'un bois dense et d'une vieille église désacralisée.
Fort heureusement il y a peu d'église
abandonnée, et je me retrouvais bien vite dans les champs face au
hameau tant redouté.
De ma position tout semblait calme,
voir vide. Aucun homme ne s’affairait entre les blés, aucun enfant
ne jouait sur le chemin. Les volets étaient clos, nul linge n'était
mis à sécher dehors.
Toute la zone semblait déserte. Et je
pris soudain conscience qu'aucun bruit, aucun chant d'oiseau, aucune
brise, ne se faisait entendre.
Je compris alors l'appréhension des
locaux, mais pour le moment rien ne justifiait une telle crainte.
Cependant c'est pour avoir eu vent de
cette rumeur entre les murs même de Paris que j'ai décidé
d'entreprendre ce voyage.
J'ai respecté mon vœux de silence
bien trop longtemps. Je devais désormais vérifier les dires des
anciens arcanistes de mon ordre.
Le Pape lui même avait ordonné le
silence à notre cercle restreint d'initiés après avoir lu les
écrits que nous lui avions présentés.
Je me garderais bien de deviner ses
propres pensées, mais à mes yeux cela n'était que mythes et
croyances de païens apeurés.
Notre ordre a été dissout suite à
ces révélations jugées calomnieuses et blasphématoires.
Nous évoluions dans le plus grand
secret et notre disparition n'éveilla aucun soupçon.
J'officiais alors dans l'abbaye de mon
quartier natal. Mais une nuit j'accueillis trois réfugiés
tourmentés et affolés. Il s'agissait d'une mère et de ses deux
enfants.
Dans leurs récits décousus j'appris
que le père avait succombé en tentant de les protéger alors qu'ils
traversaient ce, dit précédemment, hameau. Mon abbaye étant la
plus grande maison de Dieu à leur portée ils sont venus chercher
refuge ici-même.
Hélas, leurs dires concordaient avec
les découvertes mises à nues par mes confrères. Et comme je m'y
attendais, dans la crainte, la mère et ses deux enfants trouvèrent
la mort suite à une infection généralisée inexplicable, du moins
pour ceux qui étaient encore innocents.
Secrètement je décidais d'envoyer
deux mercenaires protecteur de la Foi sur les traces du père et du
lieu de sa mort.
Ils ne revinrent jamais. Mais une
lettre me parvint portant le sceau de notre évêché.
Ils découvrirent des restes qu'ils
attribuaient au père sans pouvoir l'affirmer.
La chair pourtant vieille d'à peine
deux semaines était dans un état putride de décomposition.
Les os qu'ils restaient étaient
nécrosés et noircis, baignant dans des flaques à l'odeur
pestilentielle et d'une noirceur terrifiante.
Ils mentionnaient également la
présence de traces incompréhensibles.
Des empreintes relativement profondes
et crochues. Portant de flagrants doigts et orteils humains.
Cela dit les marques indiquaient
clairement que ces êtres se déplaçaient à quatre pattes, comme
des bêtes.
Ils ont pu repérer leur possible antre
et précisaient que le lendemain si le soleil était resplendissant,
ils effectueraient un repérage plus en profondeur.
Après la lecture de cette lettre, je
restais la nuit à prier pour trouver conseil.
J'attendis sept jours sans nouvelle et
me mis en marche.
C'est ainsi que je me suis retrouvé
aux portes du village maudit, à la quête de preuves.
Des preuves que des êtres maléfiques,
démoniaques, errent dans notre monde.
Nous ne pouvons plus fermer les yeux.
Et notre bon Pape lui-même devra agir.
Je n'ai pu retrouver aucune trace du
père et des deux mercenaires.
J'ai malgré tout pénétré l'enceinte
du village. Comme je m'y attendais, nul homme ne vivait encore ici.
Un crucifix dans une main, les Écritures Saintes dans l'autre, je me
trouvais juste au dessus de galeries immenses infectant la terre sur
des hectares.
Je découvris l'une des entrées au
cœur même de l'ancienne église, percée derrière l'autel.
Je ne pu réprimer un cri de terreur
qui réveilla des ombres malignes.
En réponse à mon effroi, des
reniflements, des grognements, et ce que je suppose être des mots,
roulèrent dans ces cavernes jusqu'à mes os.
Je pris la fuite et me réfugia au plus
haut clocher de notre abbaye.
Je me terre à présent ici et mets sur
papier tous ces éléments.
Je vous en conjure, ouvrez les yeux !
Nous ne sommes pas seuls.
Aimeric Lerat (Hangsvart) tous droits réservés
02/07/2015